Chez les Na, les rites funéraires offrent aux spécialistes rituels, les daba, l’occasion de réciter les noms des lieux traversés par les ancêtres lors de leurs migrations. Par cette récitation, ils accompagnent l’âme du défunt sur le chemin du retour vers le pays des origines, situé dans une montagne de la région.
Les âmes empruntent alors des chemins funéraires qui rejouent les trajectoires historiques du groupe familial. Dans ces chants rituels, une géographie sacrée se dessine : les daba nomment des montagnes à la fois imposantes par leur matérialité et investies d’une force spirituelle, souvent considérées comme divines ou habitées par des esprits. Ils précisent également les directions cardinales que chaque défunt doit suivre pour éviter les esprits néfastes.
À partir de la description de ces rites funéraires, cette conférence propose d’explorer une matrice historique de lieux puissants et de chemins de socialité, reliant passé et présent, intérieur et extérieur, visible et invisible, vivants et morts.
Cette perspective offre un point d’entrée pour comprendre comment la vie sociale des Na s’inscrit dans un continuum de relations — de parenté et à l’environnement — façonné par les interactions entre humains et non-humains, générant ainsi de véritables paysages spirituels.
Pascale-Marie Milan est anthropologue, spécialiste des Na de Chine, un cas exemplaire de société matrilinéaire et matrilocale. Après avoir travaillé sur le tourisme et le changement social, elle explore aujourd’hui les formes d’appartenance et de socialité à travers une approche ethnographique des relations entre proches, des rites et des mythes chez les Na. Elle s’appuie sur l’étude des relations entre humains et non-humains dans leur rapport à la nature environnante pour comprendre les logiques locales de la parenté à l’aune de l’espace transethnique que constitue la bordure sino-tibétaine.